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Quelle est la politique française en matière de santé au travail ?

En regardant l’ensemble du débat parlementaire des dix dernières années, on remarque la récurrence de la thématique de la santé au travail et des risques liés aux maladies professionnelles.

Le dernier rapport de l’Assemblée Nationale concernant la santé au travail a été établi à la demande du Premier ministre Edouard Philippe par la députée LREM Charlotte Lecoq en Aout 2018. La très forte augmentation des maladies professionnelles ont conduit un décret de 2011 à durcir les conditions de validations des maladies listées dans le tableau 57 (affections périarticulaires et provoquées par certains gestes et postures de travail). Ainsi, le décret nº 2011-1315 [1] en date du 17 octobre 2011 apporte des modifications quant à la désignation des maladies et les conditions de prise en charge.

Il est toujours difficile de tirer des conclusions quant à la valeur de ces chiffres ainsi que définir la part de responsabilité de l’écosystème du travailleur, mais l’organisme français « Santé publique France » qui s’est penché sur la question, a confirmé la fraction attribuable à l’activité professionnelle.

Pour les troubles musculo-squelettiques, l’estimation du poids de l’activité professionnelle dans la survenue de pathologies traceuses de TMS (syndrome du canal carpien et hernie discale) a mis en évidence le poids considérable de l’activité professionnelle. Cette identification de la fraction attribuable est en effet primordiale dans le processus d’amélioration du repérage des expositions à risque, ce qui permet en conséquence de mettre en place des stratégies de prévention adaptées et différenciées selon les emplois, les activités, ainsi que l’écosystème du travailleur.



La première étape est de comprendre


Historiquement, on a longtemps cru que la problématique des troubles musculo-squelettiques étaient le triste apanage des travailleurs manuels. Qu’ils soient ouvriers ou exploitants agricole, les mouvements répétitifs exerçaient sur le corps des contraintes récurrentes qui créaient insidieusement des conséquences sur la santé du travailleur voyant se multiplier des douleurs localisées statistiquement plutôt dans les membres supérieurs. Il en va aujourd’hui de même pour ce que l’on avait coutume d’appeler les « cols blancs » avec des TMS spécifiques liés au travail de bureau : Le poste de travail devient donc la clef de l’écosystème de travail et le facteur majeur qui relie mauvaise ergonomie du poste et TMS.
D’après la sixième enquête européenne sur les conditions de travail menée en 2015 [2], les français déclarent à 62% venir travailler même en étant malade et déclarent à 11% avoir été arrêté plus de 15 jours au cours des 12 derniers mois… Ces chiffres importants indiquent donc une grosse majorité de personnes qui viennent travailler malade et qui auront mécaniquement une forte baisse de productivité, et des chiffres important d’absence prolongée de son lieu de travail avec plus d’un travailleur sur dix. Ceci doit bien entendu conduire chaque employeur à bien cartographier ces événements mais surtout leur cause première, et en déduire une politique de bienêtre au travail adaptée, qui intègre autant le volet préventif que palliatif via une action adéquat sur l’écosystème du travailleur impacté.
En conséquence, l’employeur doit avant tout être en mesure de cartographier correctement les absences de ses salariés en vue de comprendre les causes possibles des maladies impliquées dans cette absence, et s’assurer qu’elles ne sont pas corrélées à des maladies professionnelles. Si tel est le cas, il y a donc de fortes chances qu’elles soient liées à des troubles musculo-squelettiques (87% des MP). La même remarque s’applique bien évidemment au présentiel des salariés malades qui pourraient souffrir de ces mêmes symptômes sans vouloir ou pouvoir remonter à temps ces problèmes à l’employeur, à son médecin du travail, ou à défaut à des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) ou à des infirmiers diplômés d’état en santé au travail (IDEST). Le législateur tend même à vouloir augmenter les prérogatives des IDEST aux TMS afin d’aider les médecins du travail dans leur mandat.



La seconde étape est d’informer


Une fois le problème bien compris et bien cartographier, il est important pour l’employeur de bien informer tous ses salariés et intervenants sur les bonnes pratiques au travail. Le législateur français a bien pris cet objectif comme un élément prégnant nécessaire à l’amélioration des réflexes et bons comportements ergonomiques au travail. Il souhaite d’ailleurs que ce volet informatif soit améliorer afin d’offrir une meilleure compréhension aux travailleurs :
« Mener des campagnes d’information grand public sur certains risques professionnels, à l’image de ce qui a été fait pour l’exposition aux agents cancérogènes et pour les troubles musculo-squelettiques [3]»
Il a de plus été démontré une corrélation entre les risques psycho-sociaux (RPS) et les TMS :
« 61 % des actifs occupés sont aujourd’hui exposés à trois facteurs de risques psycho-sociaux au moins, ces expositions pouvant générer des maladies cardio-vasculaires, des problèmes de santé mentale et des troubles musculo-squelettiques. [4]»
La encore, l’employeur devra montrer la meilleure attitude afin de sensibiliser les personnes à ces différents risques, et en expliquer leur corrélation possible, notamment en établissant un lien entre les risques psycho-sociaux impactant le travailleur et les éventuelles TMS résultants. Informer est déjà en soit une action, mais l’étape ultime réside bien dans un suivi régulier et exhaustif de la population au travail via des outils appropriés afin de minimiser ces risques pour le travailleur, et maximiser l’efficacité et les coûts associés pour l’employeur.

La troisième étape est d’agir

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) ont un impact considérable sur la santé de la population et représentent l’une des principales sources du fardeau global de la maladie professionnelle exprimé en années de vie vécues avec incapacité. Ils pèsent aussi lourdement sur l’activité économique en termes de journées de travail perdues et leur augmentation annuelle de l’ordre de 20% laisse présager d’un problème encore plus grand à gérer dans les prochaines années. La politique du ministère chargé de la santé s’inscrit dans une stratégie de prévention. Le projet de loi de modernisation de notre système de santé introduit de nombreuses mesures liées à l’amélioration du parcours de santé des personnes atteintes de maladies chroniques qui bénéficieront aux personnes atteintes par les troubles musculo-squelettiques avec mention particulière de la prescription par le médecin traitant d’une activité physique adaptée pour les personnes atteintes de maladies chroniques.
A partir de ce point, l’employeur doit donc tenir compte des TMS et des pathologies chroniques inflammatoires de ses travailleurs, qu’ils soient salariés ou prestataires. Il s’agit donc pour l’employeur de pouvoir cartographier les troubles associés, et d’apporter la meilleure réponse possible en termes de qualité de vie au travail, et en ergonomie du poste de travail. Il convient une nouvelle fois de souligner le rôle déterminant de l’employeur, auquel incombe l’obligation de former et d’informer les salariés des risques professionnels, dont les TMS, après avoir réalisé une évaluation des risques, formalisée dans un document unique qui comporte un plan pluriannuel de prévention et un plan d’action associé. Ce plan d’action peut intelligemment passer par un outil de reporting adapté et une interaction optimisée entre les RH et les salariés impactés. Le législateur a d’ailleurs prévu [5] que les services de santé au travail avaient la possibilité de faire appel à des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), qui pourront intervenir en complément du médecin du travail sur la prévention des TMS, en particulier en apportant une aide au diagnostic technique et organisationnel et en contribuant à la recherche de solutions.



Conclusion


L’INRS [6] nous rappelle bien que les TMS sont de loin la première cause de maladies professionnelles. Au-delà de cette reconnaissance du régime général de la Sécurité Sociale au tableau 57, de nombreux travailleurs en souffrent quotidiennement, induisant un absentéisme récurrent et une baisse substantielle de la productivité dans les entreprises pour les travailleurs présents mais subissant des pathologies naissantes handicapant le travail de manière régulière. Des solutions peuvent être déployées par l’employeur en vue de cartographier ce risque, et d’aider les travailleurs à signaler plus facilement leur problématiques ergonomiques auprès de leur employeur, améliorant ainsi la qualité de vie au travail et leur productivité.

Sources
[1] Décret n° 2011-1315 du 17 octobre 2011 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024682904
[2] Sixième enquête européenne sur les conditions de travail: 2015
L’enquête européenne d’Eurofound sur les conditions de travail (EWCS) présente une large vue d’ensemble de l’Europe au travail dans les différents pays, professions, secteurs et groupes d’âge. Ses conclusions mettent en évidence les mesures qui doivent être prises par les responsables politiques pour s’attaquer aux problèmes auxquels l’Europe est aujourd’hui confrontée. https://www.eurofound.europa.eu/fr/surveys/european-working-conditions-surveys/sixth-european-working-conditions-survey-2015
[3] Rapport « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée » d’aout 2018 – page 18
https://actuel-hse.fr/sites/default/files/article-files/rpt-lecocq-dupuis-forest-180828.pdf
[4] id. page 41
[5] Question portée à la connaissance de l’Assemblée Nationale et publiée au JO le : 18/03/2014 page : 2560 – Réponse publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2367. On estime que la pénibilité touche plus de 3,3 millions de salariés du privé, et que 40 % des employés travaillent dans des conditions de contraintes physiques intenses. Une situation d’autant plus inquiétante qu’elle est à l’origine de troubles musculo-squelettiques (TMS) qui invalident plus de 38 000 salariés en France. http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-52500QE.html
[6] Ce qu’il faut retenir – Les troubles musculosquelettiques (TMS) des membres supérieurs et inférieurs sont des troubles de l’appareil locomoteur pour lesquels l’activité professionnelle peut jouer un rôle dans la genèse, le maintien ou l’aggravation.
http://www.inrs.fr/risques/tms-troubles-musculosquelettiques/ce-qu-il-faut-retenir.html
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